Lors de notre deuxième conférence de l'année, en novembre 2019, le sujet des femmes à la rue a été abordé par Audrey Marcillat, doctorante en sociologie, Audrey Landon, directrice de l’association Règles élémentaires, et par une ancienne femme sans-abri ayant vécu à la rue près d’une vingtaine d’années.
Un même constat, mis en avant par nos intervenantes, est partagé par tous : les femmes sont peu visibles à la rue. Pour autant, 2 personnes sans domicile sur 5 sont des femmes (INSEE, 2011). Les femmes sont présentes dans la rue mais leur invisibilité est indéniable. Elles sont contraintes de se cacher afin de se protéger de violences diverses. Face aux agressions sexuelles, aux vols, aux coups et blessures, etc., les femmes se réfugient aux urgences, dans des parkings et autres lieux fermés et cachés.
Pour Audrey Marcillat, les femmes sans-abri ont davantage tendance à refuser l’aide qui peut leur être proposée : “Elles sont confrontées à une considérable honte sociale attachée au fait d’être sans-abri mais spécifiquement au fait d’être une femme sans-abri”. De plus, les femmes, “étant confrontées à ce que sans leur consentement des personnes aillent à leur rencontre”, peuvent retrouver dans les maraudes la reproduction de ces comportements violents et non consentis qu’elles subissent dans la rue.
Après avoir évoqué les limites des centres d’hébergement (manque de places, localisation des structures dans des zones enclavées, caractère éphémère de l’offre de logement, etc.), Audrey Marcillat a insisté sur deux problématiques qui touchent particulièrement les femmes sans domicile. La première relève de la définition de la famille par le Samusocial : “femme seule ou en couple enceinte à partir de trois mois de grossesse, ou avec enfants”. Dès lors, un enfant atteignant la majorité peut être séparé de son parent bien qu’il ne soit pas en mesure de s’assumer, poussant parfois des mères à ne plus solliciter les solutions hébergements d’urgence. Par ailleurs, les structures d’hébergement sont majoritairement composées d’hommes. La non-mixité continue d’être fortement minoritaire (seuls 2400 places réservées aux femmes à Paris) et lorsqu’elle existe, elle peut se retrouver uniquement chez les occupants et non chez le personnel.
Dans la rue, les difficultés pour les femmes s’accumulent et se renforcent. Le coût élevé des protections hygiéniques plonge les femmes dans une précarité physique et nourrit leurs difficultés financières. Par ailleurs, la charge que représente la garde de leurs enfants constitue un autre obstacle et réduit d’autant plus leurs possibilités d’accès au travail et aux ressources économiques. La prise en compte et la lutte contre la précarité menstruelle est récente. Au moment de la fondation de l’association Règles élémentaires en 2015, Audrey Landon rappelle que “c’était une période où la précarité menstruelle était très forte mais inconnue”. Depuis sa création, plus d'1 million de produits d'hygiène intime a été récolté. Bien que les associations se soient saisies de ce sujet, “le chemin reste long” au niveau politique et législatif, confie la directrice de Règles élémentaires.
Les femmes sans-abri restent aujourd’hui soumises à de grands risques de violences sexuelles et à des violences sexistes, conjugales et intra-familiales. Au-delà de ces violences, le regard reste encore genré et les jugements et les préjugés persistent. La prise en considération des femmes sans-abri conduit un nombre croissant d’entre elles à accepter l’aide, se sentant écoutées et comprises. Pour l’ancienne femme sans-abri intervenue lors de cette conférence, les femmes sans-abri ont conscience qu’on les considère davantage, que les associations agissent pour elles et sensibilisent à propos de leurs diverses problématiques. Poursuivons collectivement ces efforts !
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