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Fondation Abbé Pierre : Rapport 2021 sur l’état du mal-logement en France

Depuis 1996, la Fondation Abbé Pierre réalise un état des lieux du mal-logement en France. En 2021, la Fondation estime que le nombre de personnes mal-logées s’élève à 4,1 millions. Ce rapport tire la sonnette d’alarme à propos du doublement, en un an, du nombre de personnes sans domicile étant alors 300 000 personnes. Ce chiffre peut s’expliquer par la crise sanitaire impactant les conditions de logement : le rapport fait le point sur une année 2020, témoin d’une situation inédite.




La Covid-19 comme révélateur des fragilités de la société


Les personnes sans-abri font partie des premières victimes de la crise sociale. De nombreux témoignages, en particulier du premier confinement, ont fait part du retour de la faim chez les plus fragiles, certaines personnes ayant parfois attendu deux ou trois jours avant de pouvoir s’alimenter.


Si des solutions d’urgence ont permis aux personnes sans-abri d’être logées, notamment dans des gymnases, pendant le premier confinement – ces mesures sont évidemment temporaires et se révèlent inadaptées ou insuffisantes.


Les banques alimentaires et les associations notent une forte augmentation de leur sollicitation. Par exemple, au cours du premier confinement, le Secours populaire, ainsi que les Restos du Coeur de Seine Saint-Denis, ont vu leur nombre de bénéficiaires augmenter de 45 %. Cette explosion de la demande d’aide témoigne d’une part des faiblesses du système d’aide et d’autre part de la diversification des profils demandeurs.


En effet, nous avons pu noter, cette année, l’apparition de “nouveaux pauvres”, c’est-à-dire des personnes que la baisse d’activité liée à la pandémie a fait basculer dans la précarité, les plaçant parfois face à des dilemmes dramatiques tels que se nourrir ou se soigner.. Ainsi, à côté des publics traditionnels, se croisent dans les files de distribution d’aides des étudiants ayant perdu leur emploi, des commerçants, des intermittents du spectacle, des entrepreneurs, des personnes pour lesquelles le chômage partiel (70 % du salaire brut) est insuffisant, des artisans, des personnes au CDD non renouvelé, etc. Ceux-ci sont confrontés à une forte incertitude concernant le futur et ce n’est pas sans réticence qu’ils s’adressent pour la première fois de leur vie à des structures d’aides.




La crise sanitaire renforce les inégalités et étend la précarité



Logées provisoirement dans des lieux tels que des gymnases, les personnes sans-abri étaient particulièrement vulnérables au virus au début de cette crise (en Île-de-France, leur taux de positivité était 5 fois plus élevé que pour le reste de la population à l’été 2020).


Le problème du surpeuplement des logements pour les plus précaires a pris une nouvelle dimension lors des confinements. Les occupants de telles habitations ont souffert d’une cohabitation difficile, d’un manque d’équipement informatique et d’accès à Internet. Cela a pénalisé l’instruction des enfants et a impacté la santé mentale, renforçant les inégalités dans la société.

En outre, le surpeuplement des logements constitue un facteur propice à la circulation du virus. C’est une double-peine pour les mal-logés qui travaillent souvent dans des secteurs à risque et indispensables (caissiers de magasin alimentaire, agents d’entretien etc.) et cumulent donc deux risques de contamination à la fois.


Du point de vue économique, les baisses de revenus liées au ralentissement de l’activité touchent principalement les ménages les plus pauvres, ainsi que les ménages appartenant aux couches intermédiaires.




Des effets dramatiques sont à prévoir à long terme



Les aides ponctuelles accordées en ce début de pandémie sont insuffisantes pour pallier les futures conséquences problématiques de la crise. Ainsi, davantage de chômage et de faillites d’entreprises sont à prévoir.


Les expulsions locatives, actuellement en pause en raison de la prolongation de la trêve hivernale, risquent d’augmenter fortement et d’exacerber le problème du mal-logement. Si on constate une baisse des expulsions locatives en 2020 (passant de 7 600 en 2019 à 3 500 en 2020), il est important de suivre l’évolution des impayés de loyers qui risquent d’augmenter au fur et à mesure des confinements et nourrir les expulsions de demain.


Les jeunes particulièrement touchés sont pourtant laissés pour compte. Les étudiants occupant un emploi temporaire ou bien récemment arrivés sur le marché du travail, sont durement touchés par la crise économique. On estime que 20% des 18-24 ans ont eu recours à de l’aide alimentaire en 2020, et ce, pour la première fois pour ¾ d’entre eux. Ils ne peuvent pourtant pas prétendre à certaines aides tel que le RSA réservées au plus de 25 ans.

De plus, l’accès aux aides sociales est entravé par la fermeture des lieux et par un ralentissement général du processus. La difficulté est d’autant plus grande pour les demandeurs d’asile. Cela entraîne de multiples abandons de démarche.

Les politiques de logements sociaux souffrent aussi de la crise. La baisse de l’attribution des logements sociaux (dûe à une baisse des sorties du parc HLM) corrélée à un ralentissement de la construction ainsi que de la rénovation provoquent une embolie générale de la chaîne du logement




Quels défis pour l’action publique ?



La crise sanitaire a souligné le rôle indispensable des associations d’aide aux publics en situation de précarité. Pour autant, elles ont été sur-sollicitées et ont parfois manqué de ressources. D’autant que les travailleurs sociaux souffrent d’épuisement et les bénévoles, souvent retraités, diminuent leur engagement à cause de leur vulnérabilité.


Ce rapport souligne la place infime accordée aux politiques de lutte contre la pauvreté dans le plan de relance du gouvernement : seul 0,8 % des 100 milliards. L’absence de mesures structurelles - notamment la garantie des droits à un revenu suffisant et à un logement pérenne - risque de voir les difficultés des plus démunis se pérenniser.


De nombreuses solutions sont proposées par la Fondation Abbé Pierre :

  • encadrement des loyers et garantie universelle pour éviter les expulsions ;

  • renforcement de la politique du « Logement d’abord » (loger décemment les personnes sans-abri sans condition préalable, d’après l’exemple de la Finlande) ;

  • augmentation de la production de logements sociaux ;

  • lutte contre la précarité énergétique ;

  • augmentation des minima sociaux ;

  • ouverture du RSA aux moins de 25 ans.


La crise sanitaire peut finalement être considérée comme une “bombe à retardement” - pour les ménages les plus modestes et les acteurs du secteur social autour de l’hébergement - et constitue une double-peine pour les personnes sans domicile ou mal logées qui perdent tout espoir de sortir de la précarité. Elle rompt les parcours des plus vulnérables et augmente la dette publique, laissant prévoir une austérité budgétaire aux conséquences dramatiques pour certains.




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